Le Petit Véhicule au festival des Voix Vives du 19 au 26 Juillet, à Sète
En définitive, ce n’est pas la poésie qui doit être libre, c’est le poète
(Robert Desnos, 1942)
Nous serons présents pour présenter notre catalogue, découvrez René Guy Cadou, Léo Ferré et Robert Desnos et nos ami(e)s les poètes…
Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires
Dans les années de sécheresse, quand le blé
Ne monte pas plus haut qu’une oreille dans l’herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t’attendais, et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s’en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encor que par quelques paupières,
Quelques pattes d’oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c’était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m’éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d’astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu’un vin nouveau,
Quand les portes s’ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues
Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon cœur durerait jusqu’au temps de toi-même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang.
René Guy Cadou
1951: Hélène ou le Règne Végétal, (Seghers)
Vers les cahiers des poètes de l’école de Rochefort & de Cadou
Je suis l’Apocalypse et tire à perdre haleine
Les sons ultra-diésés d’un cornet à chanson
Je suis le
Verbe chair je suis l’huître marenne
Que l’on crève et qui verse une eau d’autre saison
Mes globule(s) en week-end dans les vieux dictionnaires
Se sont caillés en lettres feu sur mon bouquin
Je suis la rengaine du sang qui désespère
Et qui draine l’amour d’un cœur européen
Je suis l’orgue de ceux qui n’ont plus de musique
Et mes trente-deux pieds m’empêchent de marcher
Je suis l’homme sucré qui vient de
Martinique
Une canne à la main et l’autre pour pleurer
Je suis l’enfariné dans le pétrin à rire
Je suis la poésie et je me bois cul sec
Et la goulée de
Dieu que je pipe à ma lyre
M’empoumonne de rime(s) à dégueuler du bec
Je suis le paradis terrestre avec la pomme
Et vaginalement je coupe tout à cœur
Je suis l’intérêt d’août foi d’animal et d’homme
Étant ventriculophagiquement d’ailleurs
Je suis le fleuve doux le mors aux dents sans brides…
Léo Ferré (la muse en cartes)
Je m’attache à la route
Je n’en sors plus
Il ne s’agit pas de savoir d’où elle vient
Mais où elle va
Elle va où j’ai choisi d’aller
Et ces fleurs au long des fossés
Je m’émerveille de leur couleur
Sans m’arrêter à la cueillir
D’abord arriver là où je veux aller
Si je peux aller plus J’irai
Sinon, fatigué sur la route
Je reviendrai cueillir ces fleurs
Je saluerai sur la route
Les marcheurs qui vont plus loin que moi
Mais je ne leur offrirai pas les fleurs
Que j’aurai cueillies
De peur de les retarder.
——–
Robert Desnos (in Oeuvres, édition établie et commentée par Marie-Claire Dumas)