Michel Pierre 
L’humble baroque, Michel Pierre
« Ne croyez pas que les idées soient indispensables à l’écriture dont le lecteur averti s’abreuve en ajoutant de fâcheuses conclusions. C’est plus simple encore. »
Michel Pierre
Je veux tout d’abord préciser que je tiens Michel Pierre pour fou. J’en donne pour preuve cette citation de Robert Desnos : « Le mysticisme et l’humour sont en général les deux caractéristiques des productions des fous ». Or, Michel Pierre est un mystique moraliste surréaliste (ah son sens de l’aphorisme !) visionnaire méticuleux marrant. Il n’a de cesse de recréer le monde en se bidouillant des équivalences sémantiques, des fils d’Ariane, des navettes entre réel et imaginaire, jouant à brouiller les sens, tordre les rails comme les phrases, jubiler dans la digression, mais toujours assuré de retomber sur ses pattes et d’arriver à bon port.
Tout, chez lui, est dans le déséquilibre, le désaccord savamment orchestré, le dilemme insoluble dont il tire une charge dynamique qui nous laisse pantois.
Ce poète a une conscience suraiguë du temps, du temps qui passe et du temps vécu, de sa propre finitude et de l’histoire – envisagée avec le filtre de la distance et de la dérision qui le protège d’une poésie engagée –, de la mort et de la politique – ah, l’actualité sans nous !…
Michel Pierre a l’écriture dense de celui qui n’a pas le temps, qui cherche l’expression directe sans exclure le détour par l’ironie qu’il utilise comme un auxiliaire précieux ou une pile galvanique – pile électrique avec ses deux bornes opposées, va- et-vient entre valeurs incompatibles – refus et acceptation, scepticisme et foi, Dieu et Diable, réel et rêve, grimace et prière, concret et abstrait et le permanent souci d’échapper dans des convulsions étonnamment sereines auxquelles il donne l’allure de pas de danse, à toute forme de manipulation, à tout conformisme : « Écrire est transgresser l’assoupissement conformiste du bourgeois ».
Extrait de Je tiens Michel Pierre pour fou, Yves Artufel (Préface à L’Ivraie à domicile)
