“KURGÂR-LE-SAGE” (Les pensées de Kurgâr-le-Sage – Les nouvelles pensées de Kurgâr-le-Sage – Le caravansérail) par Eden & Ysopet Yôqtan Illustrations Jean-Pierre Lescot
Kurgâr-le-Sage s’étonna un jour que la pluie ne tombe jamais aux moments opportuns. Il réunit le Conseil des Prudes et leur dit : « Demain je veux de la pluie ! » Les Prudes s’agitèrent toute la journée, ils coururent en tous sens, scrutèrent le ciel et les nuages, se livrèrent à mille sup- putations aéromanciennes. Ils n’omirent pas de sacrifier aux dieux, ainsi que leur en fit conseil le vaticinateur. Le lendemain matin, un soleil insolent écrasait la contrée. « Très bien, messieurs », déclara Kurgâr-le- Sage, « qu’il soit dit que le temps n’obéit pas à nos injonctions et que cela soit doré- navant enseigné aux enfants. »
C’est en 2001 qu’est né le personnage de Kurgâr-le-Sage. La Cie de la Cyrène avait demandé à Roger Wallet de lui écrire un spectacle qui se jouerait en différents lieux du petit village de Maisoncelle-Saint- Pierre, dans l’Oise. En naquit « Terre acheûle » qui racontait les fouilles ici menées par le célèbre archéologue belge Zladkine Desmet, lequel chantier avait mis à jour une civilisation totalement inconnue, les Acheûls. L’une de ses figures emblématiques était… Kurgâr-le-Sage qui aurait vécu là entre 2 et 3000 ans avant notre ère. Après avoir investi une ferme, traversé la mare de l’église en barque et autres péripéties, la dernière scène se déroulait dans le petit Théâtre Paysan de Michel Fontaine où le public écoutait médusé (et amusé) quatre ou cinq des Pensées de Kurgâr-le-Sage.
En 2005, Roger Wallet en reprit le fil et, inspiré de l’exemple de son ami Gérard Lo Monaco (« L’amiral des mots», 1986), entreprit de narrer l’épopée, désormais tcherkhâne et plus acheûle, d’une cité idéale dans laquelle l’étranger – et ses mots – étaient accueillis comme une bénédiction des dieux. Le contexte français rendait la chose plus qu’opportune. Ainsi naquit « Le caravansérail ».
Cette même année, déjà sarkozienne en diable, avec la complicité de deux amis qui l’alimentaient en idées neuves, il rédigea les soixante-dix Pensées qu’il édita, via la petite struc- ture d’édition d’Abel Bécanes (2007, ép.).
Neuf ans plus tard, cédant à l’insistance de Michel Lalet (lui-même, entre autres, auteur), il remit en chantier ce per- sonnage de Kurgâr, non plus à travers la narration directe de ses « aventures » mais dans des textes plus «historiques», plus «sociologiques». D’où les quarante-neuf fragments des « Nou- velles pensées de Kurgâr-le-Sage ». Les auteurs
Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre.
« Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre. Si l’homme tourne décidément à l’automate, s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran, ce dernier finira par ne plus lire. Toutes sortes de machines suppléeront : il se laissera manier l’esprit par un système de visions parlantes : la couleur, le rythme, le relief, mille moyens de remplacer l’effort et l’attention morte, de combler le vide ou la paresse de la recherche et de l’imagination particulière : tout y sera ,moins l’esprit.