Incognita n°7 – Claude Bugeon ou les Yeux en l’Île

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Ingognita n° 7 : Claude Bugeon ou les yeux en l’Île.

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Description

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INCOGNITA N°7

« Tenez ! dit-il, mon silence n’a pas conclu. Après m’avoir longuement suivi, (suivi aussi le hâbleur qui se cache en moi), je n’en suis pas dupe, il n’a pas écarté le mensonge de la vérité, aucune condamnation, ni jugement préalable, j’ai replongé dans la beauté de l’indicible et je l’ai bue cul sec. Maintenant, je ne compte plus les goulées, je demeure l’esprit ouvert, le glissement de la pensée s’efface même avec le délice, l’indicible retentit en moi, tel le vent « Sans Pardon » s’engouffrant durant toute l’éternité dans les gorges du désert. Je vous ai vu, vous étiez faucon dans le ciel, il y a deux jours. Vous étiez penché sur une fleur, immobile, les doigts de vos mains battaient l’air autour de sa corolle, vous n’osiez fondre sur elle, mon faucon ne tombe jamais sur sa proie. Vous humiez ce que j’ai humé au premier temps de mon exil, au sein du retranchement, la nature de la vie qu’on ne peut violer. Je suis seul et beau, sain, pur, et inatteignable proie pour mon faucon. Je ne demande pas qu’on m’aime. »
Extrait du Vol du Saint-Esprit, Claude Bugeon, Édit. Pays d’Herbes, 1999
Françoise Valencien réinvente un Claude Bugeon par un entretien imaginaire. Roland Tixier montre comment le poète ouvre la porte des instants en maîtrisant l’art du haïku. Ghislain Ripault, éditeur attentif regrette de ne pas l’avoir édité et dit son intérêt justifié pour son oeuvre. Pierre Lhermite en parlant des brandons philosophiques met à jour un Bugeon qui sait marié la nostalgie du futur à la richesse du passé. Claude Bugeon est-il l’homme de l’éternel retour ? Ces brandons qui éclairent le langage et le vivant des mots tant est fait cet homme-là de ce tissu langagier. Véronique Bréard donne à voir et à entendre un amoureux d’une île, à découvrir un marcheur poétique à « la méditation fervente » sur l’Île-d’Yeu, Oia, île spirituelle avec laquelle le poète fait corps photographique.
L’écrivain oeuvre dans la mémoire de l’instant. Il cherche à travers ses poèmes, ses proses, ses commentaires, ses analyses, ses cris du coeur, ses souffles de l’âme, ses pas mesurés sur les sentes de son île à traduire la simple beauté d’un territoire élu. Christian Bulting met l’accent sur la nature de la poésie de Claude Bugeon. Elle est plutôt méditation du réel, contemplation méditative du réel. Ainsi cette poésie travaille sur le sens, donne du sens et fait sens. « Nommer c’est réveiller Hermes » écrit Ève Roland. Claude Bugeon aime les origines, l’étymologie des mots, les sources de toutes choses. Hermès est le messager et l’interprète des Dieux. Chaque pas apporte l’étincelle qui relance le feu et ouvre la porte des instants. L’écrivain devient un temps cet Hermès trismégiste cher à Guillaume Apollinaire. Le court récit Le vol du Saint-Esprit symbolise les terres de solitudes de l’île du poète botaniste. Sa rencontre avec le vagabond Stello moitié ermite, moitié sorcier est la métaphore qui exprime l’engagement poétique et philosophique de l’artiste. Les terres insulaires sont le terreau des cueillettes et les cieux de la voûte les racines de ses réflexions. Jean François Dubois fait de Stello « le truchement de l’auteur. »
Il a raison mais on peut inverser la proposition elle serait tout aussi vraie. Heide Helwig confond volontairement le poète élu par l’île et le marcheur de l’Île en la personne de l’auteur. C’est parce qu’il aime l’herbe, les bêtes, les arbres, les fleurs, le vivant en toute chose dans une quête fraternelle et poétique. Cela signe humblement son approche taoïste du monde. Dans ses veines coulent le sang du sens, l’eau et l’air des saisons, le souffle de l’écriture, les lignes d’un journal insulaire perpétuel.
Claude Bugeon est le travailleur de la terre îlée sous les auspices des rayons de la lune. Il vit profondément les solidarités des quatre éléments (à la manière de Bachelard) et des exigences du coeur et de l’esprit. Chaque chose est utile et fertile. L’écriture des Bois de lune en offre une illustration évidente et subtile. Les bois de lune ne sont-ils pas des morceaux de bois d’épave grafés pour une brûlée dans la cheminée. Jacques Phélippo examine l’oeuvre toujours changeante, toujours semblable à elle-même. On pourrait parler d’un certain style (mot que l’auteur n’apprécie pas) en tout cas une manière bugeon reconnaissable entre toutes. Ce véritable amour du langage et de leurs sources étymologiques expliquent profondément ses exigences. Il tente de réconcilier l’intellect et l’émotion par une écriture serrée, sereine et ample. Claude Bugeon est fait du bruit des autres selon le mot de Vitez. L’éclectisme de Claude Bugeon est à goûter dans sa capacité à être attentif à l’autre. Lisez l’interview de cette revue et vous découvrirez le jeu de cartes de ses goûts, de ses influences et volontés.
La rencontre avec Jean Luc Guihard fut la rencontre des années bohèmes et des années-lumière des découvertes. Ce fut « la rencontre providentielle » qui permet d’aller au-delà de l’horizon et d’atteindre les vastes contrées inconnues. Les chansons, les poèmes d’un Léo Ferré ou d’un Gérard Manset accompagnèrent les premières créations de l’artiste. Pour reprendre le titre d’un poème de René Guy Cadou, je peux affirmer que Claude Bugeon est l’homme rues de la terre et du vocabulaire, Claude Bugeon est devenu le souverain de lui-même. Entrer est le prologue de L’esprit élémentaire. Puis Agir, enfin Sortir du mentir vrai, peut-être pour quitter son masque. Pour l’homme-poète de l’île, l’art et la vie sont deux soeurs ou deux frères en harmonie perpétuelle. Et l’île son théâtre totalement vrai.
Luc Vidal, Nantes le 3 Mars 2014
Philosophe en liberté, c’est-à-dire non dogmatique, essayiste, romancier, poète, peintre, botaniste, éditeur, né à Nantes où, avec son épouse Marie, il créa une librairie d’Art, de Poèsie, de Théâtre, de Philosophie et de Sciences Humaines, ainsi qu’un atelier de dessin pour enfant, et un autre de typographie doublé d’une maison d’éditions. Claude, dès 1982, s’est retiré avec Marie, traductrice, au large des côtes de France, loin du tumulte. Il y mène une oeuvre pluridisciplinaire, devenant le meilleur connaisseur de l’île où il vit, tout en en faisant un instrument d’amplification non d’une démarche mais d’une marche, y tentant ainsi une expérience unique sur tous les domaines du patrimoine et de l’être.
Marie et Claude Bugeon sont nés respectivement en 1953 à Rosporden, et en 1951 à Nantes.
Sommaire
– Entretien avec Claude Bugeon, par Luc Vidal
– Avec Claude Bugeon, Trans-poète, par Françoise Valencien
– Au commencement était l’instant, par Roland Tixier
– Digression, par Ghislain Ripault
– Brandons philosophiques, par Pierre Lhermite
– Oia, une Île spirituelle, présentation par Véronique Bréard
– Hermès dormait, par Christian Bulting
– « Hermès dormait», poème-raku, raku d’une vie, par
Ève Roland
– Le vol du saint-esprit, par Jean-François Dubois
– Le lieu porte ses exigeances Le texte aussi, par Heide Helwig
– Témoignage, Claude Bugeon / Jean-Luc Guihard,
– Une rencontre essentielle
– Un(e) oeuvre, par Jacques Phélippo
– L’art n’est pas apparences, de Claude Bugeon
– L’édition différente pour une vie différente, de Claude Bugeon
– Hommage à Marie Bugeon, de Claude Bugeon
– Hommage à Louis Ferrand, de Claude Bugeon
– Hommage à Henry Miller, l’un et le multiple, de Claude Bugeon
– Journal insulaire (extraits), de Claude Bugeon
– Le printemps sauvage (extraits), de Claude Bugeon
– Choix de poèmes anciens, de Claude Bugeon
– Géométries sacrées, la part cachée (extraits), de Claude Bugeon
– Après lire, par Luc Vidal
– Repères biographiques