Le dernier visage avant de m’effondrer : le plus jeune des trois, la barbe sale, et les yeux, faut voir, tellement noirs de haine, et moi affalé dans els cageots et les sacs de jutte, la bouche éclatée, tout ce chaud qui me pisse dans le cou, ça poissse sous la langue, ça dégouline de l’oeil qui maintenant se ferme sous l’enflure, comme si cassé de partout, souffle coupé et je le vois, le sombre, qui se jette quelque chose brille dans sa main, j’ai beau me redressser, lancer mes épaules vers le haut pour faire face, je vois encore le vieux attraper la fourche en crachant et l’autre, celui de dos, j’entends le jet dru de sa pisse contre la paroi de la cabane et lui, le féroce, avec sa lame, il me prend bien dans le haut de la poitrine, je sens quelque chose de froid et de silencieux se frayer un chemin en moi et je tombe. Est-ce qu eje ne vois pas, à ce moment précis, dans l’encadrement de la porte, la mer dorée des blés et, dans le bleu du ciel, pur et cruel, le vol lourdaux d’un freux ? Il y a ce long métal froid qui me troue et me fouaille et, dans le loin, l’ombre noire du corbeau qui s’affale soudain, menaçante, et vient boucher tout le jour de la porte.
Ils m’ont laissé pour mort. Je ne saurais dire si je le suis ou pas. Je rampe sur les coudes, je ne sens plus mes avant-brasni mes jambes, la gauche se plie encore pour prendre appui sur le genou, l’autre traîne derrière comme elle peut. On dirait que je tire un mort, quelque chose comme un fagot. Et j’ai dans le ventre du froid qui drucit et me glace tout le dedans . Je suis pris d’un hoquet. Ce que je vomis est rouge sang, gras et lourd, il en sort toujours, j’en ai plein la main de ce rouge gluant qui sèche vite. Parce qu’on est dans les jours chauds et qu’on est un peu…spéciaux, nous autres, les « Bridés ». J’aimais mieux quand nos geôliers disaient Tchaïnize.
Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre.
« Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre. Si l’homme tourne décidément à l’automate, s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran, ce dernier finira par ne plus lire. Toutes sortes de machines suppléeront : il se laissera manier l’esprit par un système de visions parlantes : la couleur, le rythme, le relief, mille moyens de remplacer l’effort et l’attention morte, de combler le vide ou la paresse de la recherche et de l’imagination particulière : tout y sera ,moins l’esprit.