Rémy Durand & Josette Digonnet : “Un fruit qu’on regarde sans tendre la main”
“Rares et uniques sont en Europe les villes qui offrent la révélation de ne pas être né, et celle aussi, de renaître”
Rémy Durand
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Josette Digonnet
Née dans le Var à Lorgues, elle vit à Hyères depuis 2000. Elle a fait des études de psychopédagogie, de psychologie clinique à l’Université d’Aix-Marseille et aux Beaux-Arts de Toulon.
D’abord enseignante puis psychologue clinicienne et psychanalyste, elle peint et réalise des gravures depuis de nombreuses années.
Les encres et aquarelles de Josette Digonnet ont été créées à l’occasion de l’édition de ce recueil.
Rémy Durand
Poète, éditeur et traducteur, Rémy Durand est né à Caracas, dans cette Amérique indo- afro- européenne qui devait le marquer profondément et où il a longtemps vécu et travaillé.
Il a parcouru le monde – Venezuela, Colombie, Inde, Équateur, Irlande, Mexique, Pérou, Sénégal… – pour promouvoir la langue et la culture françaises, la Francophonie, les identités culturelles nationales et le dialogue des cultures.
Collaborateur avec l’Association varoise « Lou Libre per Tuteï » et la poète Colette Gibelin du Festival international de poésie « Le Mitan du Chemin » à Camps-la- Source, Var.
Extraits de l’ouvrage :
Printemps 2008
Écrire sur Venise.
Quelle consternante audace !
Peut-être dire Venise ?
Je suis venu seul. Libre. Discrètement. En silence. Ainsi Venise m’attend. Venise n’aime pas
l’indélicatesse et la convoitise. Venise est un voeu. Une promesse. Je tente l’élégance sur les
Campi. Je hasarde le vide. Venise me proposera le bonheur. La lenteur. ….
Le cerf-volant
L’homme qui pleure
L’homme qui pleure se vêt de fleurs noires de filigranes amers il n’a plus de nom Je m’appelle personne dit-il il ne sait pas comment il s’appelle je ne sais pas comment je
m’appelle quelle importance il a oublié qui il est qui suis-je ? dit-il peut-être ce type qui
traverse la rue sans bras sans regard L’homme qui pleure ne peut plus respirer de l’air s’il vous
plaît de l’air ! dit-il ni marcher ni cheminer sur son chemin où reposent de la vaisselle sale des
équipages jetés et déchirés des chemises tachées de paroles vides un continent tout entier jeté
à terre floraison de soif espérances fanées….
L’homme qui pleure
Prague
Variation I
Il pense à cette fin de décembre, à Prague.
Rares et uniques sont en Europe les villes qui offrent la révélation de ne pas être né, et celle aussi, de renaître. Il marche. Il parcourt la ville avec détermination, dans la joie d’un pressentiment, augure de la réponse que là-bas, en France, il attend depuis si longtemps. Au détour d’une rue, d’où surgit, tel un navire, une cathédrale, devant le secret des demeures, sous le halo des réverbères, il pense au visage inconnu d’une jeune femme qui viendrait à lui.
Cependant, les premiers jours, il lui avait fallu mourir : il avait hanté les rues de Malá Strana, jusqu’à l’épuisement. Dans l’aube glacée de la Vltava où commençaient à caqueter les colverts, sur l’île de Kampa, il s’était dévoué à nourrir sa mélancolie. Les ombres du pont :Charles, voilées de brumes, les pavés brillants de la rue Loretánská, les palais et les églises qu’il avait interpellés de gestes inaudibles accompagnaient sa solitude. Il était comme un chien perdu que l’on fait fuir à jets de pierres mais qui revient, reconnaissant, quémander un peu de désespérance en partage.
Même pas
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