“Trois chansons, presque la même” de Roger Wallet
Deux mois plus tard, le 17 juillet, un mercredi, les contractions commencèrent. D’abord, sans prévenir, un
tiraillement dans les abdominaux. Puis la douleur s’installa, forte et régulière. Une trentaine de secondes. Le jeune
homme prit le sac. Ils s’engouffrèrent dans la 403. Le nouvel hôpital avait ouvert depuis quelques mois. Plus besoin
de traverser la ville. Un petit quart d’heure et ils y furent. Les contractions se rapprochaient, elles étaient de plus
en plus douloureuses. Elle perdit les eaux d’un seul coup, s’inonda le pantalon et mouilla le siège.
Il se gara juste devant l’entrée. Il lui ouvrit la portière, elle s’accrocha à son bras. Déjà une infirmière était là.
Elle resta vingt minutes dans la salle de travail. La sage-femme les rassura, il n’y aurait pas de césarienne. Lui se
tenait près d’elle, il n’arrêtait pas de lui parler comme si… oui, il le lui dit : Je ne veux pas oublier une minute de
cette nuit.
Il patienta peu avant d’entendre un cri dans la salle. Il se précipita et ouvrit la porte. D’abord il ne distingua pas
bien, avec ces blouses blanches qui s’affairaient mais il entendit des pleurs. Il fit un pas. Sur la poitrine de la jeune
femme le bébé vagissait faiblement. Regardez comme il est beau ! dit la sage-femme. Il n’osait approcher. Il avait
trop à faire avec son coeur, ça cognait à tout rompre là-dedans. Il n’aurait jamais cru que c’était ça, avoir un
enfant : une flèche en plein coeur.
Extrait p.24-25