La revue Texture rend hommage à Amina Saïd pour le livre “Chronique des matins hantés”
Amina Said : « Chronique des matins hantés »
Les poèmes des « Chroniques des matins hantés » nous touchent profondément parce qu’ils font écho à nos questionnements, à notre regard sur la vie et le monde ; ils vibrent en nous, bercent nos silences et éclairent au-delà de nous de vastes horizons.
Dans ce recueil, les poèmes sont autant de réponses ciselées à la si délicate question “Qu’est-ce qu’un poème ?” :
« tout poème est le bourgeon
d’où jaillit la fleur éclatante du réel »
« le poème est un oiseau
qui vole à l’envers de ses ailes
et tutoie le blanc et le noir sur la page
qu’il traduit en poème »
L’auteur nous donne à voir le monde en personnifiant la mer, le ciel, le temps – elle nous plonge au plus près des palpitations de notre monde, comme un écho du livre.
« La mer est leçon de ciel / le vent dessine le nuage / une fleur épouse le soleil / que déshabille un oiseau »…
La mer et le ciel sont gorgés de silence et de lumière, peuplés de navire et d’étoiles, joignant deux terres, deux langues. Les mots sont d’une précision et d’une justesse saisissantes, ils sont tous ces éléments à la fois, notre mémoire et notre devenir. L’intime et l’universel sont sans cesse mêlés.
La violence est épurée et tragique, la tension est perceptible et pourtant la plénitude palpite au cœur du recueil. L’exil est une blessure, la beauté des souvenirs permet cependant d’embaumer la mémoire et la vie nouvelle qui s’annonce : « tel un vêtement indispensable / nous avons plié en partant / toute la beauté du monde / dans la valise de la mémoire »…
En outre, le recueil en tant qu’objet est magnifique : joindre des peintures au texte participe à la beauté de l’ensemble. Les peintures sont diverses, chacun trouvera dans les unes ou les autres une résonance, une force particulière, en contrepoint de la cohérence d’ensemble des poèmes.
(Amina Saïd, Chroniques des matins hantés, peintures d’Ahmed Ben Dhiab, Editions du Petit Véhicule, coll. « La galerie de l’or du temps », Nantes, 2017, 98 p., 25,00 €)
Christelle Thébault
Revue en ligne Texture (octobre 2018)