“Le long chemin sous le tunnel de Platon”, le destin de l’artiste sous la censure en Albanie de Luan Rama
Préface par Joël Baffou
À quoi sert un écrivain sous la dictature? À se dévorer
l’un l’autre, répond Ismaïl Kadaré, façon d’expliquer que
le combat de l’art contre la barbarie n’est pas un combat de
connivence, un combat à fleurets mouchetés. Mais un combat
à mort. Qui ne s’achève que par l’extermination de l’autre.
Manière aussi d’affirmer que l’art finit toujours par l’emporter
sur la tyrannie pour peu que l’artiste assume sa mission
jusqu’à son terme.
Ainsi, en 1989, le communisme en Europe de l’Est est mort,
terrassé, comme on pourrait le dire d’un individu victime
d’une attaque, brutalement, sans résistance. Sans doute seraitil
exagéré de dire que l’art a vaincu la barbarie à lui tout seul.
En Europe de l’est, le combat courageux des dissidents avait
éclairé la voie et préservé la dignité.
Avec la chute du mur
de Berlin, s’achevait la lutte contre le communisme. Mais ce
combat avait cessé bien avant, faute de combattants. La dictature
de l’Est avait pris le regard flasque des autocrates au
visage cireux, les Jivkov, Ceausescu ou Husak, de ces vieillards
qui portaient la mort du système sur leur tête.
L’Histoire retiendra probablement que le bloc de l’Est est mort
de sa concurrence inégale et inépuisable avec la société occidentale
et la guerre des étoiles de Ronald Reagan.
En fait, le communisme s’est éteint de la trahison de ses derniers dirigeants.
Ce système était né pour produire de la violence dans
une forme de mouvement perpétuel et s’est écroulé comme un
cycliste qui s’arrête de pédaler. Ainsi prenait fin la période qui
avait suivi la mort de Staline et que Kadaré a appelée dans sa
préface de L’Automne de la Peur de Bashkim Shehu, la farce
gogolienne; sauf en Albanie…
extrait
Luan Rama est né à Tirana. Cinéaste et journaliste
pendant une quinzaine d’années en
Albanie, il s’installe ensuite à Paris comme
chargé d’affaire a.i. (en mission diplomatique)
de l’Albanie. Il est aussi son représentant
à l’Unesco. Il devient Ambassadeur de
l’Albanie à Paris, au Portugal et à Monaco
de 1997 à 2001 et le Représentant du chef
de l’État à l’Organisation Internationale de
la Francophonie et plus tard membre du
Haut Conseil de l’Organisation Internationale
de la Francophonie. Il est l’auteur de
plusieurs essais, livres historiques, recueils
de poèmes, romans, récits. Le Long chemin
sous le tunnel de Platon a obtenu le Prix
européen de l’Association des Écrivains de
Langue Française, Paris, 2000.
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