L’audace des mots Comment ça va ? Ne m’écrasez ni de vos reproches ni de votre pitié. Je n’oublie rien dans ma tristesse d’être seule et incomprise. Je suis surprise de qui je suis. Je découvre l’audace des mots criés à moi-même. Je suis vivante ! Les mots surgissent comme des embardées. « Lève les pieds. » Je marche sans trébucher sur un chemin d’embellie. « Tiens-toi droite. » Je me redresse soutenue par une ombre, seule à la percevoir. Les mots traversent mon corps, mon âme. Ils bouleversent ma mémoire. Ils me rappellent ce que j’avais oublié. Ils me révèlent ce que je ne savais pas. À vingt, trente, quarante ans j’ignorais les cheveux blancs, les sourcils dégarnis, les membres qui se chiffonnent, le corps vivant sans caresses. Je taisais les événements de mon enfance. Je ne pensais ni à la vieillesse ni à la mort. Je rêvais de petits enfants sans imaginer leur montrer un jour de vacances le point de croix de leur premier canevas et me souvenir du temps où le chas de l’aiguille laissait aisément passer le coton perlé.
Extrait
Née dans la Sarthe en 1949, Ida LESPAGNOL avance sur son chemin d’écriture dans la quête de quelque chose enfoui parmi les souvenirs, en clôture d’un processus de deuil ponctué de douceur, mélancolie et paix. «L’enfance, la vieillesse et nos morts », rencontres improbables, tremplin d’émotions et d’émerveillement, mise en lumière des éléments essentiels d’une vie. Parce que les non-dits devenus mots et cris ont eu raison des silences et des oublis, ce livre a le pouvoir de réenchanter le cours du temps
Sommaire :
Un habit de lumière 7 La beauté dans l’ordinaire 10 Le silence de l’Amour 13 Une femme seule 21 Le l des souvenirs 25 La réconciliation des vivants et des morts 35 La Berthe aux non-dits 39 À l’épicerie du village 45 Au pensionnat 47 L’audace des mots 50 L’oiseau de bon augure 52 Notre Dame de la Con ance 55 Un manège à réenchanter 57
Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre.
« Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre. Si l’homme tourne décidément à l’automate, s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran, ce dernier finira par ne plus lire. Toutes sortes de machines suppléeront : il se laissera manier l’esprit par un système de visions parlantes : la couleur, le rythme, le relief, mille moyens de remplacer l’effort et l’attention morte, de combler le vide ou la paresse de la recherche et de l’imagination particulière : tout y sera ,moins l’esprit.