“L’Epistolaire de Zarate” de Luan Rama, Illustrations de Sandro Botticelli
L’épistolaire : la vérité historique et la création « La Comédie Divine » devait se lire autrefois dans les auditoriums de l’université. Mon professeur de littératures antique et médiévale, Myzafer Xhaxhiu, nous parlait avec une passion extraordinaire de Dante et de Béatrice, si bien que dans cet état pathétique, il nous apparaissait comme un être différent des autres, comme si ce monde le gardait toujours sous sa coupe. En vain, il a essayé que parmi ses étudiants certains lisent Dante, lisent son Enfer, son Purgatoire et son Paradis. Mais à cette période, notre esprit était dans les chansons des Beatles ou des chanteurs italiens comme Celentano, Battisti, etc. Dante nous paraissait alors difficile et nous l’avons plus ou moins oublié plus tard. Après quelques années, quand j’ai visité pourla première fois Florence, je suis alors allé à la maison de Dante, et mon ami, un peintre albanais, m’a montré environ cinquante mètres plus loin une maison, et m’a dit que c’est là qu’avait grandi autrefois l’amour de Dante, Béatrice. Plus tard, alors qu’il écrivait un article sur Botticelli, il a découvert ses merveilleuses illustrations sur le monde de « La Comédie Divine », auxquelles il n’était pas parvenu pour la majorité d’entre elles à donner des couleurs. Un autre monde est apparu devant moi avec ces corps humains qui tombaient de haut ou qui étaient fouettés dans les cercles de l’enfer, puisque L’Enfer était sans nul doute la partie la plus choquante de ses dessins. Il est certain que cet autre côté du monde humain, celui du crime,des héritiers des prisons et des camps d’internement, du lynchage arbitraire des personnes qui réclamaient leur liberté, nous l’avions vu particulièrement après les changements politiques en Albanie, quand dans les années 1990 s’est effondré l’État totalitaire, ce qui a ainsi mis un terme à l’époque de la dictature, tout comme pour tous les autres pays de l’Europe de l’Est. C’est exactement à ce moment-là qu’ont commencé à se dessiner dans nos esprits les décors du crime, de la violence et de la violation de la liberté d’expression….
Luan Rama (extrait de la postface)
portrait de Botticelli par lui même
Lettre à Luan Rama en guise de préface
« Ici s’achève l’épistolaire du prisonnier Frédérik Çoba. » Voici, cher Luan, comment pratiquement se conclut ton subtil et émouvant livre concernant la vie des prisonniers politiques sur l’Île de Zarate. Politique ? est-ce le mot juste ? Non je ne crois pas. La terrible dictature albanaise de Enver Hodja (Hoxha), en se nommant République populaire socialiste d’Albanie, fut une des plus fermées et une des plus meurtrissantes. Dès les années 1980, les changements dans le bloc de l’Est furent initiés par Mikhaïl Gorbatchev. L’Albanie suivit bon an mal an. Quand une dictature et son dictateur enferment les hommes et les femmes sous n’importe quel prétexte, on se demande comment au nom d’idées quisont censées libérer l’homme de ses chaînes, et dont se réclament ces individus de peu d’âme et d’amour, ils réussissent sans vergogne malgré tout à asservir l’homme et à tuer toute grandeur. Leur but est probablement de satisfaire une haine incommensurable de l’autre et de se mettre à bon compte sur leur propre piédestal. Narcisse dans sa part d’ombre est ainsi fait. …….
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Tu racontes dans ta postface comment cet Épistolaire de Zarate naquit dans ton esprit et ton coeur. Je me dis que maintenant que tu aimes La Divine Comédie on peut aussi aimer les chansons des Beatles.
Frédérik Çoba est assis devant la mer. Je le vois ainsi méditant sur la tristesse de sa condition mais sur les rumeurs d’un futur meilleur pour l’amour de Bruna, sa Béatrice retrouvée. Cette vision me fait penser au Zéro et l’infini d’Arthur Koesler et à l’épilogue des espaces de liberté que la mer bleue offrait à celui qu’on voulait enfermer dans la sphère bureaucrate.
«Homme libre, toujours tu chériras la mer » chante Baudelaire. Tu m’écrivais dernièrement une lettre où tu parlais de ta conviction de croire à la prophétie de la poésie dans notre avenir sur les chemins de la beauté. À la manière d’un Rimbaud ou du poète albanais Migjéni. La « Respublica littéraria » que tu souhaites voir naître un jour en Albanie, j’espère la voir surgir aussi dans cette France que nous aimons.
Il y a dans ton écriture et ta poésie la présence du rouge-gorge des mots et le phrasé des beaux pélicans blancs. Nous pouvons alors nous serrer longuement la main et attendre patiemment la naissance du jour
Luc Vidal ( extrait de la préface)
LUAN RAMA
Luan Rama né en 1952, à Tirana, en Albanie, est un écrivain, publiciste et diplomate albanais. Au début de sa carrière artistique il a été cinéaste et auteur de plusieurs scénarios de longs métrages, de films documentaires et de dessins animés. Puis il a été ambassadeur d’Albanie en France, au Portugalet à Monaco, représentant de l’Albanie à l’Unesco et aussi représentant du Chef de l’État à l’Organisation Internationale de la Francophonie. Il est auteur de nombreux essais, recueils de poèmes comme Couvrez-moi avec un morceau de ciel au Petit Véhicule, de récits (L’automne d’AlbertoSaviano) et de romans, Santa Quaranta et Camera Obscura, dont Le Long chemin sous le tunnel de Platon, essai, Prix européen de l’Association des Écrivains de Langue Française, publié par Le Petit Véhicule, en 2000. Il a publié un livre sur Mitterrand et un autre sur le général de Gaulle. Il a dédié un long essai à Rimbaud (Le dernier voyage d’Arthur Rimbaud) un autre à Jean Cocteau (Rendez vous avec Jean Cocteau), etc. Il est aussi traducteur de poètes français comme Prévert, Éluard, Verlaine, etd’autres encore. Parmi ses essais, Pont entre deux rives (sur les rendez-vous franco-albanais, publié par La Société des Écrivains, Kalorësit e Stuhisë (Les Chevaliers de la Tempête) et Parisi letrar (Le Paris littéraire) qui traitent abondamment des relations franco-albanaises au cours de l’histoire. Depuis 2008, il enseigne la Géopolitique à l’Institut des Langues et Civilisations Orientales à Paris. « Grand Officier de l’Ordre National du Mérite », accordé par le Président de la République française en 2002.
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“Quand tu seras devant le doux regard de celle dont les beaux yeux
voient toutes choses, tu sauras d’elle tout le voyage de ta vie…”
Dante
L’Enfer, chant X