René Guy Cadou, Hélène ou le Règne végétal, suivi de Usage interne vient de paraître dans la collection Poésie Gallimard
La poésie de René Guy Cadou, limpide et fraternelle, est constamment éclairée par son art exceptionnel de l’image, à la hauteur assurément de celui d’Éluard, même si celui qui fut la figure phare de l’école de Rochefort a récusé l’influence du surréalisme. Mort très jeune à trente et un ans, Cadou a laissé une œuvre malgré tout importante. Son recueil emblématique, Hélène ou le règne végétal, d’un humanisme fervent et d’une sensualité vibrante, célèbre l’amour comme principe d’existence autant que le lien profond avec la nature. Dans une brillante préface, Adeline Baldacchino donne à mesurer la singularité de ce poète dans son époque et objecte à juste titre à l’image lénifiante de poète rural sentimental dans laquelle il a été trop souvent et injustement enfermé.
Avec la préface d’Adeline Baldacchino, Édition établie avec le concours de Luc Vidal*
A PROPOS DE HÉLÈNE OU LE RÈGNE VÉGÉTAL*
René Guy Cadou disait d’Hélène qu’elle était « une fleur absente de tout bouquet ». Hélène elle-même me le confiait le 10 avril 20101, ajoutant : « René Guy me trouvait dans une certaine solitude sûrement, car je n’entrais pas dans un groupe poétique déterminé. J’étais aussi dans la solitude choisie de Louisfert, c’est un fait, malgré l’affection pour les amis. »
Hélène ou le Règne végétal parut initialement en 1952, première édition suivie de beaucoup d’autres : 1960, 1966, 1994, 2007, 2011, 2023… Le recueil fut bien évidemment inclus dans les œuvres poétiques complètes qui parurent dès 1961, sous le titre Poésie la vie entière2, titre choisi par le poète lui-même pour la réunion future de ses poèmes.
Hélène ou le Règne végétal est un livre dont l’architecture a été pensée par le poète. Ces poèmes sont des pistes de lumière en réponse donc à la fleur absente. Mais au-delà du chant d’amour, c’est l’homme tout entier qui se dévoile. La fidélité inaltérable d’Hélène envers René Guy a trouvé ses racines dans la poésie même de l’homme-poète : « Le temps qui m’est donné que l’amour le prolonge », écrit-il.
Les familles de René Guy et d’Hélène se connaissaient, pourtant Hélène ne voulait pas aller voir Cadou, c’est sa propre mère qui l’obligea à aller à sa rencontre. Sur le quai de la gare à Clisson3, elle reconnut Cadou à l’intensité de son regard bleu et fut retenue ensuite par le bleu souverain de sa poésie. Une passion commune pour Walt Whitman les réunissait déjà avant leur rencontre. Hélène confia un jour à Christian Bulting et moi-même que les deux poètes se nourissaient au lyrisme des Feuilles d’herbe4 du poète américain.
Est-il besoin de souligner que le jardin de Grignon5, jardin des fées, aux quatre cents rosiers, jardin de leur dialogue d’amour, initia le règne végétal dont il est question ? Le prince des lisières6, un recueil d’Hélène paru en 2007, boucle la ronde amoureuse des deux amants : « Mon beau voyage, mon seul souci du fond des temps », écrit Hélène à celui qui vient et qu’elle attend et qui devint ce prince des lisières.
Cadou est bien un Orphée de la mémoire amoureuse du temps retrouvé, des temps qui ne s’enténèbrent jamais. Il est le poète solaire de « la fleur inverse » des troubadours, selon l’expression de Raimbaut d’Orange.
LUC VIDAL
1Entretien avec Luc Vidal, à Nantes.
2Édition Seghers et les amis de Rochefort.
3Lire le poème « 17 juin 1943 », p. 39
4Œuvres choisies, poèmes et proses, traduit par Valery Larbaud, Louis Fabulet, André Gide, Jules Laforgue, Jean Schlumberger et Francis Viélé-Griffin, introduction de Valery Larbaud, Éditions Gallimard, 1918.
5« Le jardin de Grignon », in Les amis d’enfance.
6Hélène Cadou, Le prince des lisières, éditions Rougerie, 2007.
Vous pouvez vous procurer ce livre chez votre libraire habituel
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“Celui qui entre dans la demeure d’un poète
ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui”
René Guy Cadou
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