Un texte comme une nouvelle aventure de Florent Baille : “La neige…”
La neige…
On la rêve toujours blanche et c’est bien ce qu’elle est, candide, albâtre, blême et crayeuse. Un linceul de douceur formé de coton fondant, un suaire de l’été qui viendrait dire à la terre qu’il est temps de « passer à autre chose ».
Certains vivent l’hiver comme un calvaire, comme une petite mort qui les oblige à se cloîtrer dans leur terrier, d’autres, au contraire, s’enthousiasment de cette nouvelle vie qui commence, une de ces quatre saisons de l’année qui nous fait vivre une aventure nouvelle, qui nous oblige à poser un regard acéré sur ce monde drapé de nacre.
Si comme le disent les Inuits, il y a cinquante-deux façons de regarder la neige, c’est bien parce qu’ils ont pris le temps de s’y intéresser : Une tourmente blanche c’est un mouvement de danse qui mène jusqu’à la chorégraphie des éléments, là où les végétaux tantôt figés, tantôt à l’orchestre du grand théâtre de la nature, côtoient les humains hâtés qui s’enveloppent dans leurs châles trop fins ou s’élancent à grandes enjambées sur des chemins forestiers, chaussés de sabots longs et lisses et soutenus par ce que l’on croirait des bâtons d’âge. Bâtons de fougue, plutôt. Et lorsque le ciel azur laisse s’exprimer Phébus dans toute sa hardiesse on saisit alors qu’il existe des saisons dans les saisons, pour ne pas dire des étés dans l’hiver ! Fulmination du jaune dans le blanc. Un œuf sans portée qui s’étale sur le fourneau de la loupe ainsi formée par les rayons. La féérie fait oublier la bise qui pince, les étoiles de glace nous obligent à fixer la beauté ; car nul ne reste indifférent à cette soudaine banquise qui protège nos ruisseaux, à ces séracs alpins formés par les congères.
On ressent soudain un vertige, celui causé par le passage d’une dimension à une autre, celui qui emballe notre imagination et nous fait apparaître toutes les couleurs du monde. On lit dans la neige comme dans les nuages, on traduit la symphonie de nos cœurs portée par les notes ondulées, des silences et des croches soudaines, avec pour seul bémol le soir qui tombe et nous rappelle qu’il faut rentrer. La nature reprend sa place.
Florent Baille