Comme un refrain égaré de Zahra Mroueh est comme une musique ancienne dont la nouveauté surprend… par Luc Vidal
Armoire
J’ouvre l’armoire
et trouve beaucoup d’idées à endosser.
J’en range certaines
et j’en mets d’autres de côté,
pour des cérémonies
qui les méritent.
Il y a des idées ailées et d’autres
dures comme le mur,
des idées nues
et d’autres à moitié nues.
Dans l’armoire nul voile ne me sépare de mes idées,
seulement les restes d’idées martyres..
Certaines idées voltigent autour de moi
mais je n’arrive pas à les saisir,
ni elles à me saisir.
Le vent nous sépare.
Après-lire par Luc Vidal
Comme un refrain égaré est comme une musique ancienne dont la nouveauté surprend car elle est musique de cet
arbre à l’envers qui inaugure ce livre sensible de Zahra Mroueh. Ce grand miroir reçoit ainsi ses poèmes dont les
thèmes tissent les éternelles chansons des amants, les partitions des solitudes de la poète Zahra, les cahiers de ses doutes
et incertitudes puis l’étrange joie qui pourtant habite son coeur. La poète cherche sa vie, une nouvelle vie. Dans le
silence des mots, elle y trouve force et réconfort . Elle sait manier l’allégorie simple et savante. Ainsi le silence est un
petit bonhomme ou bien Le silence est un homme qui a ramassé/ses outils et s’en est allé/ Dans le char rapide de
l’ombre. Ces vers traduits sont de belle facture. Et j’ai la pure sensation en lisant la poésie de Zarha Mroueh traduit de
l’arabe par Chawki Abdel Amir, revus et corrigés par Antoine Jocky. j’ai la pure sensation de lire des vers français.
Son poème, Comme un chant égaré est un seul et même poème à plusieurs branches. Il dessine un portrait de
femme qui raconte sa douleur d’être autant que sa douceur de vivre. Il est dans ce livre des poèmes/récit comme
Armoire des poèmes/portrait comme Paix.
Seul le long texte A la recherche d’une illusion arabe ne vit pas dans le
même arbre ou le même jardin. Il évoque le peuple palestinien en lutte, sa souffrance au cruel destin. Sur un balcon,
après leur départ,/Ne demeurait qu’un oiseau blessé/Qu’aucun arbre n’hébergera mais un espoir cependant demeure
car La révolte des vagues s’apaisant contre les petits poissons. Méditons cet énigme et cette allégorie.
Ce livre est celui d’une femme poète libanaise qui veut être souveraine de ses destinées, actrice de ses désirs et de
ses voyages vers un nouveau monde. Aller sur l’autre rive d’elle-même nourrit sa folle espérance pour apaiser enfin… sa
soif de l’inconnu qui agite jusqu’au tremblement son âme sensible et sentimentale.
Des paroles vives de poésie se sont
incrustées dans le poème de Zahra : Je brandirai des drapeaux blancs tout au long de la journée. Lorsque la liberté
atteindra son absolu/je prendrai le chemin du vent. La liberté, oiseau sauvage, qui brode les forêts. J’enfile mon
enfance et je saute dans le premier bateau. Ces paroles vigilantes guident la lecture. On comprend mieux alors
comment la poète aménage son mystère. La poète Zahra Mroueh ne serait-elle pas cette fille de l’air qui veut larguer les
amarres ? Une femme indomptable, sauvage et tendre, une shéhérazade dont la soeur serait en occident la Fée
Mélusine ? Une Shéréhazade des vrais sentiments ? La poète a appris avec la patience vécue des solitudes a exploré
l’univers des sentiments. Le mystère est un sentiment, cavalier qui libère l’amour dans la steppe. Cette formule
énigmatique lui porte secours, au fond. Les titres des poèmes de ce livre mériterait une attention particulière. Ils sont les
jalons prometteurs de ses terres de liberté, les clés ou les portes ouvertes sur les aventures de sa libération.
Son poème invite à prendre le large, à s’armer et s’aimer de courage pour conquérir un désir de vivre cosmopolite
qui réside dans son coeur, sa poitrine et son sang de femme. Désir cosmopolite de l’échange, de l’étreinte et du feu
rayonnant de la poésie vivante. Qui lit attentivement cette forte et douce poésie découvrira la vérité d’un poème, la
vérité d’une femme-poète sur le chemin d’elle-même. Celle qui permet de découvrir le plaisir du multiple. Voici la fin
du poème Traverser. Il y a toujours la recherche du passage dans la vie de la poésie de Zahra pour atteindre un autre
monde et vaincre ses peurs. Les illustrations de Jean Marc Scanreigh viennent colorer subtilement ce chant égaré.
Les vieux vaisseaux ne me chantent plus.
Que les lettres qu’ils m’envoient se noient !
J’ai soif de l’inconnu, comme la lumière est assoiffée de papillons
Il pleuvra des cordes.
La terre est une saison unique
saison de la soif.
La poésie de Zahra Mroueh est celle qui a fait l’offrande au silence et au non-dit d’un cri et d’une parole qui
répondent à cette soif inextinguible de l’inconnu.
* Tous les vers en italiques sont de Zahra Mroueh
Sur Comme un refrain égaré de Zahra Mroueh
avec des illustrations de Jean-Marc Scanreigh .
poèmes traduits de l’arabe par Chawki Abdel Amir,
revus et corrigés par Antoine Jocky
Après Lire par Luc Vidal en pdf