“Les petites routes” de Jacques Rouil dans Recours au poème par Pierre Tanguy
Les petites routes de Jacques Rouil fleurent bon l’herbe mouillée, la pomme dans le courtil et le lait dans l’étable. Ici, les prés sont « Couleur de miel / Comme un tablier ».
Les automnes sont « immobiles » et, au loin, c’est « la bise qui chante ». Un pays est furtivement nommé : le Cotentin, terroir de l’auteur, du côté de Bricquebec et de Surtainville. Là où la mer et les « estrans de varech » ne sont jamais très loin de ces terres lourdes et grasses où l’on enterre les morts.
Jacques Rouil a chanté ce pays natal dans des romans ou des récits pétris d’humanité (Donadieu, Les Rustres, Une mémoire du bout du monde…). Il délivre ici, en mots comptés dans ses poèmes (parfois un seul mot par vers), sa vision d’un monde d’avant le déluge. D’avant le déluge technocratique, médiatique, informatique, boursier… Empruntant les petites routes de l’auteur – qui vont nous mener plus loin qu’on ne le pense – nous voici dans des espaces de liberté sous les pommiers, les noisetiers ou les noyers. Les gestes y sont lents (comme celui d’un père pelant une pomme de son verger).