Entretien entre Anne-Marie Zucchelli et Lambert Savigneux
La rencontre et la complémentarité
AMZ
Le recueil La Nuit finie est publié dans la collection la Galerie de l’Or de Temps, qui a la particularité de mettre en regard la poésie et l’art visuel. Pour accompagner mes textes, j’ai tout de suite pensé au travail de peintre du poète Lambert Savigneux. Contrastes puissants, matérialité, énergie du geste et rythme caractérisent ses encres et aquarelles. Elles sont tout à la fois aquatiques et terriennes, et entrent en résonance avec mon écriture. Depuis l’enfance, peintures, dessins et gravures sont pour moi un langage coutumier.
Des images aux mots, je cherche un chemin qui se dessine dans leur entrelacement.
LS Voir apporte quelque chose d’autre à la poésie, peut être une proximité du monde. Ma rencontre avec Anne-Marie a été riche car chez elle aussi la peinture et la poésie se fécondent, semblent l’accompagner dans sa démarche et apportent une complémentarité d’approches et de compréhension. Sa façon d’écrire aussi, charnelle, visuelle, tactile, musicale et vivante, osant des percées comme des invitations à la suivre et sur laquelle j’avais envie de peindre. Pour moi, la pratique de la peinture est venue me sauver d’une incapacité à écrire comme je le voulais. Puis l’écriture est venue jouer son rôle d’explorateur pour prolonger ce que je ne pouvais qu’apercevoir et pour permettre un creusement. Une libération. C’est pourquoi j’aime quand les deux arts sont impliqués comme un biface.
c’est mon corps qui brûle quand ils s’allongent sur les trottoirs les plus doux sont leurs chiens talons klaxons accélérations j’adore ma victoire son brillant sa raideur son énorme splendeur sur l’asphalte humide où les feuilles pourrissent je vois s’allumer des étoiles leurs yeux mangent leurs figures la mienne vaut son pesant d’or je montre les dents et mon coeur se fige je fais des enfants afin qu’ils me protègent du mauvais sort et ressuscitent en moi la tendresse
Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre.
« Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre. Si l’homme tourne décidément à l’automate, s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran, ce dernier finira par ne plus lire. Toutes sortes de machines suppléeront : il se laissera manier l’esprit par un système de visions parlantes : la couleur, le rythme, le relief, mille moyens de remplacer l’effort et l’attention morte, de combler le vide ou la paresse de la recherche et de l’imagination particulière : tout y sera ,moins l’esprit.