“Sacrés Noms de lieux du Pays nantais” par Claude Georges Henri Cougoulat
Notes de l’auteur
C’est bien du terme Sacrés qu’il convient d’honorer nos noms de lieux souvent vénérables par leur âge.
Les recherches avancées, que permettent les moyens d’aujourd’hui, révèlent que la plupart d’entre eux, comptent probablement des siècles si ce ne sont des millénaires.
Toujours présents dans notre quotidien, dans nos villes, nos villages, la pleine campagne, la montagne ou la mer. Ils remplissent notre environnement géographique, désignent notre lieu d’habitation ou de destination. Ils sont incontournables, inévitables.
Leur sens, souvent mystérieux, échappe à la plus grande partie de leurs utilisateurs.
On peut, certes, vivre sans se soucier de ce que peuvent bien vouloir dire nos noms de lieux. Par contre en rechercher la signification exige la plus grande prudence et oblige fréquemment à s’invertir dans la préhistoire des mots.
Les noms de lieux ne proviennent pas non plus d’une boutique de farces et attrapes comme pourraient le faire croire certains écrits.
D’où la remarque édifiante de Marianne Mulon, Archiviste paléographe pendant plus de trente ans au Centre d’Onomastique des Archives Nationales.
« On ne le dira jamais assez : la toponymie, discipline récente en tant que science humaine, est un domaine passionnant, mais hérissé de difficultés et de mirages. Les noms de lieux intriguent, dès lors que, cessant de les utiliser, dans l’indifférence mentale, comme simples points de repère dans l’espace, on cherche à leurs donner un sens. Souvent opaques, ils ont suscité les interprétations les plus ingénues, les plus fantaisistes… »
Animé par la curiosité toponymique, en tenant compte des mises en garde ci- dessus, votre auteur s’est laissé aller à effectuer des recherches pointues de nature, parfois, à faire tomber quelques idées arrêtées ou interprétations faciles sans base historique ou étymologique.
L’intérêt culturel contemporain rend totalement révolu le temps où, dans l’ignorance ou l’indifférence des potentiels lecteurs, les auteurs pouvaient se contenter d’indiquer qu’un nom de lieu provenait systématiquement de l’appellation d’un imaginaire personnage créateur ou propriétaire du site. D’ailleurs presque toujours, même en France, des héroïques tailleurs de fiefs germaniques ou latins. Souvent des
approches laissant les lecteurs culturellement intéressées sur leur faim
La réalité des recherches profondes, par opposition aux études de surface, révèle
une antériorité thématique pas toujours mesurables.
Il faut se pénétrer de l’idée, qu’en matière géographique notamment, les noms,
les mots, ont plus que des siècles d’existence. Le plus souvent même ils relèvent de la préhistoire.
Pour avoir méconnu ce truisme et l’aspect impérativement « fossile » de la thématique – pour n’avoir pas su toujours distinguer entre la science ornithologie et l’oronymie par exemple – méprisé l’antériorité inexorable de la sémantique, de curieuses interprétations ont effectivement été données, aux noms de lieux. Il est évidemment plus facile d’avoir recours à des concepts récents, des synonymes faciles, qu’à des avatars ayant perdu, au cours des temps, la sémantique de la lointaine langue mère dont ils étaient issus.
Des exemples connus comme « Pech Merle », « Chante-duc » ou « cante- perdrix » n’ont peut-être pas vraiment le sens que l’on y entend. Subtilité qui avait fait dire à un chercheur ancien que les linguistes devraient, en même temps, être ornithologues.
Il reste, qu’en France, les authentiques et valeureux chercheurs en archéolinguistique ne manquent pas. Mais leurs propositions ne sont pas toujours suivies par les interprètes ou les éditeurs. D’où les cocasseries observées dans certains ouvrages qui font pourtant la gloire de leurs auteurs. Étonné de trouver, par exemple des cours d’eau déplacés, transplantés – des noms d’oiseaux se substituant à la roche, à la montagne – des fabricants de housses pour des lieux où s’épanouissait tout simplement le houx Avant toute chose il est impératif de recadrer les données apparentes dans le temps et dans l’espace.
Les études toponymiques ne peuvent pas être exclusivement livresques. Il faut aller sur le terrain. …..
(extrait)
Biographie
Né en 1930, dans un milieu peu favorisé, les probabilités pour que l’auteur devienne un jour chercheur en onomastique étaient totalement inconcevables. Double orphelin très jeune (pupille de la Nation) et mis au travail dans un atelier de forgeron-maréchal il n’aura jamais la possibilité d’acquérir le moindre diplôme universitaire avant 35 ans. Curieusement les circonstances professionnelles d’adulte, dans un corps de Etat, le conduiront à diligenter des enquêtes en relation avec les noms de famille, dans le concept socio-juridique de : change- ment de nom – injures, directes ou par voie de presse – protection du nom de famille ou du nom commercial – protection des droits de l’enfance et de son patronyme, etc. Parfois même ces enquêtes nécessitent une approche étymologique sérieuse.
Là se situe peut-être la naissance de cet engouement pour la recherche en profondeur dans ce domaine véritablement spécifique souvent méconnu du grand public. Cette passion n’explo- sera cependant qu’après l’acquisition de quelques diplômes universitaires adulte. Surtout avec le temps libre que laisse la retraite il sera facile d’amplifier les investigations. Or, en France, il apparaît vite évident que, le plus souvent, celles-ci sont restées bloquées au niveau des langues latines et germaniques principalement comme si celles-ci pouvaient revendiquer un statut de langues mères de l’humanité.
Le vaste réservoir linguistique hérité de nos très grands ancêtres préhistoriques (voire pré-Cromagnoïdes ?) étant resté pratiquement inexploré. C’est ce qui est proposé dans ce modeste ouvrage qui cherche à révéler que des quantités de noms : de lieux (toponymes) – de cours d’eau (hydronymes) – de sommets (oronymes) – de lieux de culte (hagiotoponymes), etc. existent toujours malgré les millénaires. Ils ont pu participer, ne serait-ce que partielle- ment, au long processus de construction anthroponymique (nom de famille héréditaire) le moment venu. Ils sont parfois intacts, d’autres fois déformés (notamment par les tailleurs de fiefs envahisseurs qui s’en sont emparés). Quelquefois encore il n’en reste plus que des « débris » difficilement identifiables.