“La chanson de Prévert” de Michel TRIHOREAU
La grande aiguille de l’horloge du siècle venait juste de passer à la verticale. Dans sa coquille, le petit garçon attentif, déjà au moindre signe du monde, attendait le moment propice. Dehors, une certaine agitation déchirait petit à petit la planète, comme un vieux linge usé. Tirant à hue, ceux qui sortent de la nuit et veulent construire des lendemains qui chantent. Tirant à dia, ceux pour qui le soleil décline et qui veulent arrêter sa marche inexorable. Entre tous, les soubresauts divers rythment les pulsations de l’actualité.
Ici, un militaire est calomnié, condamné par d’autres militaires. Des hommes se lèvent : un civil qui s’appelle Zola. On gracie le militaire malchanceux. Il était juif et s’appelait Dreyfus. Il ne faut pas d’appeler Dreyfus. Un chansonnier à qui ses parents ont donné ce nom maudit s’empresse d’en changer en jouant avec les lettres. Il devient De Fursy et respectable. Il mourra trente ans plus tard, roué de coups : on n’échappe pas à son destin. Un autre, plus prudent préfère s’appeler Le Chanois.
Extrait de Parents et grands parents…