Ombres et lumières d’Algérie ou la vocation d’un artiste dans la guerre de Yannick GUIN & Jean-Claude CARSUZAN
Ombres et lumières d’Algérie
ou la vocation d’un artiste dans la guerre
Yannick GUIN
Jean-Claude CARSUZAN
Avant-propos
Comment un jeune artiste, tout pénétré d’un désir d’aventure artistique peut-il
affronter la guerre ? Comment, si ce n’est en se construisant une double vie, celle des apparences, auxquelles il faut malheureusement sacrifier, celle de la vie intérieure où l’imagination et le désir bouillonnent, et que ni la crainte de la perdre ni l’effroi d’avoir à la supprimer chez son prochain ne sauraient étouffer.
Les « Trente Glorieuses » ne furent pas si joyeuses pour tout le monde, et surtout pas pour cette génération d’après-guerre appelée contre son gré en Algérie pour de prétendues « opérations de maintien de l’ordre » et dont elle sut vite la véritable nature. Ces temps continuent de peser sur les esprits. Les témoignages ne manquent pas de ces jeunes ouvriers, agriculteurs, instituteurs, ingénieurs, universitaires divers : tous sont aussi émouvants que nécessaires à l’Histoire. Ils sont parfois entachés par une lucidité a posteriori, ou un désir de justification ou de repentance, souvent ils servent de thérapie personnelle permettant de surmonter les traumatismes, ou à tout le moins de ne pas ressasser cette obsédante période volée à l’essor de la vie.
Le témoignage du peintre Jean-Claude Carsuzan est d’une autre nature. Cette guerre il l’a faite comme les autres, comme des milliers d’appelés du contingent, au cours de 29 mois de service militaire dont 14 en Algérie, entre le mois de septembre 1959 et la fin décembre 1960. Mais il l’a faite de manière singulière, comme si, en dépit de tout, l’artiste pouvait en tirer un profit secret. Son témoignage n’est pas ordinaire : il met en lumière une sorte de mise à distance de la réalité du quotidien au profit d’une recherche permanente d’ordre esthétique. Ici point de déploration ni d’amertume. Le témoin a une tendance – exceptionnelle à vrai dire – à relativiser et à mettre en avant les aspects positifs de la vie. Mais surtout il s’invente une sorte de méthode de résilience, une façon d’occuper son esprit,même dans les moments les plus rudes, une sorte de recherche permanente des lumières, des contrastes, des nuances, méthode qui permet de maîtriser les effrois de la guerre. Les amateurs d’art puiseront là un aspect méconnu des processus de la création.
Sommaire
1 – Le ciel bleu qu’un jour j’arriverai à traduire 2 – Nuances et variations
3 – La lumière est ma mère
4 – L’art du trait 5 – Les yeux verts de l’Orientale
6 – Le Caravagio en Algérie
7 – Je rêve de couvrir de grandes toiles
8 – Couleurs résistantes
9 – Le goût de la grenade mûre
10 – Le vert d’espérance
11 – Une floraison sur la Méditerranée
12 – L’unique toile algérienne
À son retour d’Algérie le jeune peintre originaire de Bordeaux entame sa très belle aventure artistique. En 1961, dès son retour à la vie civile, il enseigne sur une unité de valeur à l’École des Arts Appliqués de la Gironde à Bordeaux, et il fait un voyage d’étude en Bretagne. En 1964 Carsuzan abandonne l’enseignement et décide de se consacrer exclusivement à la peinture. Il voyage à nouveau en Bretagne, il y rencontre Micheline, qui deviendra sa compagne et son soutien le plus ferme durant toute sa vie, et qui lui fera découvrir et aimerles couleurs douces et subtiles, parfois opalescentes, de la Bretagne, qui caressent les paysages et les visages.
À partir de 1963 Carsuzan se laisse attirer par les paysages méditerranéens de l’Andalousie, de l’Italie, de la Tunisie, de la Grèce et plus précisément des îles de l’archipel des Cyclades. Son oeuvre joue de la lumière et des ombres, de la luxuriance de la flore et de l’éclat des murs peints à la chaux. Sa vision sereine et chaleureuse intéresse de nombreuses galeries en Allemagne, en Suisse, à Taïwan, au Moyen-Orient, aux États-Unis et au Japon, où les amateurs d’art peuvent partager ces sensations prononcées que Carsuzan avait secrètement subodorées dans la tourmente de l’Algérie de 1960. Le témoignage du peintre Jean-Claude Carsuzan a été recueilli par son ami Yannick Guin, professeur émérite de l’Université de Nantes, spécialiste de l’Histoire Contemporaine et passionné par ces récits d’Algérie qui marquent toute une génération.
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