“Pez/Poisson” de Mariela Dreyfus, avec des photographies de Jorge Ochoa
Nueve las horas nueve el calendario nueve meses y aún once los días
nueve llamadas nueve interferencias nueve nubes con nueve esquirlas dentro
nueve ventanas nueve elevadores nueve sombras saltando nueve pisos
nueve torsos sin brazos nueve piernas nueve manos y nueve pares de ojos
nueve televisores nueve radios nueve trenes cerrados nueve noches
nueve kilos de escombros nueve nombres nueve fotos de nueve que no asoman
nueve calles sin luz nueve sin agua nueve vigilias nueve las plegarias
nueve de presión baja nueve grados nueve gradas de angustia nueve veces
Neuf les heures neuf le calendrier neuf les mois et onze encore les jours
neuf les appels neuf les interférences neuf les nuages neuf esquilles dedans
neuf les fenêtres et neuf les ascenseurs neuf ombres se jetant de neuf étages
neuf les torses sans bras et neuf les jambes et neuf les mains et neuf les paires d’yeux
neuf les téléviseurs neuf les radios neuf les trains arrêtés et neuf les nuits
neuf kilos de décombres et neuf les noms neuf photos de neuf portés disparus
neuf les rues sans lumière et neuf sans eau neuf les veillées et neuf les oraisons
neuf de basse tension et neuf degrés
et neuf fois neuf les gradins de l’angoisse
(Extrait de poème)
Mariela Dreyfus a toujours surpris son lecteur par la force d’un verbe fondateur d’un nouveau langage, celui façonné par un groupe de femmes poètes dans les années 80 à Lima. Il s’agit d’un langage qui devrait enfin dire et représenter non seulement le point de vue féminin mais un tout nouveau continent d’expériences et de pensées qui avait été marginalisé pendant des siècles. …
(extrait à la postface par Par Grecia Cáceres )
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C’est alors, au mitan du séjour, que je rencontrai une Poète à New York. Mariela Dreyfus, péruvienne, professeure de poésie et d’écriture créative à NYU, qui fut membre fondatrice du polémique Movimiento Kloaka, né dans le Lima des années 80. Génération d’écrivains ruptu- ristes, rebelle aux valeurs bourgeoises de la société traditionnelle, et porteuse d’un underground hippie, beatnik et anarchiste à la péruvienne, superbement désigné comme andesground par référence aux racines indigènes quechuas de la culture populaire. La femme m’attira d’emblée, belle brune, aux lèvres charnues de griotte, respirant cette maternelle sensualité toute d’intelligence
et de tendresse si frappante pour moi chez nombre de Sud-Américaines.
(Extrait de la préface par Joelle Guatelli)