“Te naissant sans trêve / Naciéndote voy ” d’Elena Martín Vivaldi
Postface ( extrait)
Hélènement, Hélénissimement… Quoi de plus mystérieux, de plus excitant que l’invite à pénétrer un texte, un univers poétique neuf encore, nullement canonisé et qui s’offre, confiant, à des lecteurs que nulle doxa ne guide, nulle idée préconçue, lecteurs que ne prédispose ou n’indispose nul préjugé particulier, lecteurs à l’écoute, en état d’attente poétique, et dont l’oreille intime (si chère à Valéry) est « tendue vers le possible, vers ce qui va se murmurer « tout seul ». La poésie qui s’offre ici se murmure, en effet, « toute seule » – ou presque, cette postface ne valant pas mode d’emploi. Elle se murmure à l’intérieur d’un nouvel espace de silence vigilant, accueillie par un désir qui a pour objet le domaine des possibles qu’offre un texte vierge de toute atteinte critique, de toute révérence académique. Voici un texte transplanté dans un ailleurs linguistique et culturel qui l’accueille, s’en étonne, s’y adonne souvent, y résiste parfois et qui voudrait que son murmure force à tendre cette oreille valéryenne dont les enclumes ne résonneront d’aucune clameur mais vibreront longuement d’un chuchotement insistant qui entraîne l’émotion de l’écoute, l’appropriation au profond, la passion au sens de participation intime,entière de l’être à ce qui est ainsi susurré. ….
Il est difficile d’accomplir en français le reverdissement de la poésie intimiste d’Elena. Sous une apparence de facilité, de simplicité, elle est toute en finesse, en équilibre, fondée sur le détail, la nuance exquise, l’emploi d’une langue qui pousse à l’extrême la malléabilité de l’espagnol et l’irisation de la connotation. L’économie des moyens, la brièveté des périodes syntaxiques dont l’aisance est le fruit d’un grand effort de construction, l’usage restrictif des verbes, la recherche de la fluidité du rythme intérieur qui bute sur le pathétisme exclamatif et interrogatif, cette sévérité classique qui discipline l’effusion romantique, tout concourt à émerveiller et à désespérer le traducteur. La poésie d’Elena n’est pas une confession c’est l’élaboration d’un objet artistique qui cherche, communication et assentiment. Puisse l’appel de cet objet artistique en partie réverbéré par cette première traduction d’Elena Martín Vivaldi en français, trouver en de nouveaux lecteurs son « oreille d’or », jaune écoute pour cette voix en jaune.
Joëlle Guatelli-Tedeschi
TIEMPO A LA ORILLA
VI NISTE duro, con la mano alzada,
mostrándome el rigor de tu presencia.
Rápido heriste y cruel, sin la clemencia
que te pedía mi hora traspasada.
Un día sostuve, firme, tu lanzada,
valiente el gesto, no temí la ciencia
de tu vieja costumbre. A tu evidencia,
mi sinrazón opuse, porfiada.
Hoy, al fin, un momento me has vencido,
trocando mi esperanza en amargura,
avisándome un margen. Todo ha sido
como un vivo
relámpago que ciega
un instante. Después, de su negrura
nace la luz. Y el alma ya sosiega.
Tiempo a la orilla (1985)
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TU surgis durement, avec la main levée, / en me donnant à voir ta sévère présence./ Rapide tu blessas, cruel, sans la clémence/ qu’alors te réclamait mon heure transpercée.
Un jour je soutins, ferme, de ta lance le trait, /le geste valeureux, sans craindre la science /de ta vieille habitude. Et à ton évidence,/ opiniâtrement, ma folie j’opposai
Mais aujourd’hui enfin, un moment tu me vaincs,/ changeant en amertume ce qui fut mon espoir,/ m’indiquant une marge. Et tout cela survint/
comme un vivace éclair, qui aveugle un instant/ le regard. Ensuite, des profondeurs du noir/ naît le jour. Et déjà l’âme va s’apaisant..
Temps sur la rive (1985)
Le livre a été réalisé par le GROUPE DE TRADUCTION COLLECTIVE : « TRADUIRE LA VOIX LYRIQUE » Université de Grenade : faculté de traduction et d’interprétation et faculté de lettres Coordination générale : Joëlle Guatelli-Tedeschi, en collaboration avec Adoración Elvira Rodríguez Groupe de traduction-Martín Vivaldi (2007-2008) :